Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité visant à soumettre à son examen la compatibilité des articles L.2141-1 et L.3123-1 du Code de la commande publique aux principes de nécessité et d’individualisation des peines d’une part, et au droit à un recours juridictionnel effectif d’autre part.
Les dispositions prévoient que sont exclues (de plein droit) de la procédure de passation des marchés publics et des contrats de concession les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour une série d’infractions de nature économique ou fiscale. Ces dispositions sont directement issues des dispositions des directives 2014/23/UE et 2014/24/UE, ce qui, compte tenu de l’’article 88-1 de la Constitution, limite l’office du Conseil constitutionnel.
Au terme d’une considération de principe devenue classique, le Conseil ne se reconnaît en effet compétent pour opérer le contrôle d’une disposition législative qui se limite à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive européenne ou des dispositions d’un règlement européen, que si celles-ci mettent en cause une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France (et sauf à ce que le constituant y ait consenti).
Tel est le contre-pouvoir (circonscrit) que les juridictions constitutionnelles et suprêmes des Etats membres ont forgé face à l’obligation de transposition et d’application du droit de l’Union européenne.
En l’occurrence, et c’est là un premier enseignement propre au droit de la commande publique, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions contestées, qui n’ont pas pour objet de punir les opérateurs économiques mais d’assurer l’efficacité de la commande publique et le bon usage des deniers publics, n’instituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition.
Mais l’apport le plus important de la décision n° 2021-966 QPC du 28 janvier 2022 se situe probablement en dehors du droit de la commande publique. Il tient à l’affirmation de principe selon laquelle les principes de nécessité et d’individualisation des peines d’une part, le droit à un recours juridictionnel effectif d’autre part, ne constituent pas des règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France.
Ces droits et principes étant cependant protégés par le droit de l’Union européenne, toute contestation sous cet angle de la règle d’exclusion prévue par les directives 2014/24/UE et 2014/23/UE devra être portée devant la Cour de justice de l’Union européenne, seule compétente pour en connaître.