Deux propositions de loi sont actuellement en cours d’élaboration devant le Parlement, pour transposer la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur les lanceurs d’alerte. La première est une proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits et la seconde est une proposition de loi ordinaire visant à « améliorer la protection des lanceurs d’alerte ».
Mardi 1er février, l’accord intervenu en commission mixte paritaire a rétabli la plupart des dispositions adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale.
Si les textes devraient être adoptés en l’état le 8 février prochain, nous ne pouvons que conseiller les entreprises concernées d’anticiper d’ores et déjà les changements à venir.
L’adoption de ces textes aura des conséquences sur le dispositif dédié au recueil et au traitement des signalements internes que les entreprises d’au moins 50 salariés sont tenues de mettre en place au titre de l’article 8 de la loi Sapin 2.
Pour rappel, la définition retenue du lanceur d’alerte par la proposition de loi est la suivante : « personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime ou un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou la tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
Si la transposition actuelle ne va pas « révolutionner » le dispositif français qui résulte principalement de la loi Sapin 2, certaines évolutions, non négligeables, sont néanmoins à prévoir pour les entreprises assujetties à l’obligation de mettre en place un tel dispositif.
Parmi les nouveautés, trois principaux changements sont à anticiper :
1. Élargissement de la définition du « lanceur d’alerte »: disparition de la notion de « gravité ».
Conséquence : les entreprises risquent de voir se multiplier à l’avenir des signalements de moindre importance, via le dispositif d’alerte, pouvant conférer à son auteur le statut de lanceur d’alerte, à défaut de l’utilisation du canal traditionnel (saisine des représentants du personnel, inspection du travail).
2. Disparition de la priorité donnée au canal de signalement interne. Désormais, l’auteur pourra choisir entre un signalement interne, via la procédure d’alerte interne de l’entreprise, ou un canal externe. Il conserve donc le choix du moyen de sa révélation, là où le régime prévoyait jusque-là la nécessité pour l’auteur du signalement, d’utiliser d’abord le canal interne.
Conséquence : l’entreprise s’expose désormais à ce que le lanceur d’alerte actionne immédiatement un canal externe, engendrant des risques de divulgation d’informations à des tiers et d’atteinte à la réputation de l’entreprise.
3. L’article 3 bis de la proposition de loi prévoit d’intégrer les dispositions relatives aux lanceurs d’alerte dans le règlement intérieur (droit d’alerte, droit de retrait, protections juridiques etc.).
Conséquences : une mise à jour du règlement intérieur sera, le cas échéant, à prévoir.
Un décret en Conseil d’état fixera notamment les conditions et exigences liées à la procédure de recueil et de traitement de la procédure d’alerte interne.
Compte tenu de ces nouveautés, nous recommandons aux entreprises assujetties de mettre en place un dispositif adéquate et facilement accessible, suscitant la confiance notamment des salariés, pour que ceux-ci privilégient la voie interne pour limiter, autant que possible, tout risque d’atteinte à la réputation de l’entreprise.
Votre dispositif d’alerte interne est-il en place et à jour ? Est-il en conformité avec le traitement des données à caractère personnel ? Avez-vous anticipé les nouveautés concernant les canaux de signalement ?
Notre équipe se tient à votre disposition pour en discuter avec vous : Anne-Cécile Bannier-Mathieu et Mathieu Croix.