À l’heure où les enjeux climatiques prennent une place prépondérante, la responsabilité des dirigeants se trouve sous les feux des projecteurs depuis l’adoption de loi Pacte en 2019. Cet article explore les ramifications de cette évolution juridique et examine les responsabilités qui incombent désormais aux dirigeants dans la lutte contre le changement climatique. La première partie analyse les principes de cette responsabilité et identifie les fautes susceptibles de la déclencher. La deuxième partie sera diffusée le 28 mai prochain et la troisième le 04 juin.
En 2019, et dans le cadre plus global de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la loi Pacte a modifié l’article 1833 du Code civil, obligeant les dirigeants sociaux à appréhender l’intérêt social de l’entreprise en considération des enjeux sociaux et environnementaux. Un premier pas politico-juridique était ainsi franchi vers une nouvelle forme de « responsabilité climatique » du dirigeant social puisque ce dernier devait désormais faire acte de prudence et anticiper, de manière raisonnable, les conséquences de ses décisions, de ses actes de gestion ou de ses stratégies sur le climat et son évolution. Depuis 2019, l’urgence climatique n’a cessé de s’aggraver au point qu’elle est désormais au cœur de nombreux combats sociaux, et qu’elle constitue l’une des considérations politiques majeures de nos instances nationales, européennes et internationales. Le renforcement des obligations « climatiques » des acteurs de la vie économique s’impose aujourd’hui comme un impératif incontournable. De toutes parts, les textes fusent pour enjoindre aux entreprises de contrôler et de limiter l’impact de leurs activités sur le dérèglement climatique. Il n’est plus question d’une simple appréciation d’un intérêt social. Les exigences sont plus précises, plus contraignantes et consistent en un véritable devoir de vigilance, en la production de données comptables, la mise en place de plans climatiques et l’obligation de se doter des moyens humains permettant l’adoption de mesures de prévention efficaces. Les contraintes du droit des sociétés s’accentuent drastiquement, et leur progression semble tout aussi inéluctable que le réchauffement qu’elles combattent. Dans ce contexte, et corrélativement, la responsabilité personnelle du dirigeant social est susceptible de s’aggraver, de se démultiplier sous de nouvelles formes. L’équilibre tant recherché entre la sanction des fautes de gestion et la nature des fonctions sociales n’est pas à l’abri d’un nouveau soubresaut (I). Quelle peut être la faute climatique du dirigeant ? Comment appréciera-t-on un éventuel manquement de sa part à la vigilance minimale ? Quels préjudices devra, ou pourra, t-il réparer à titre personnel ? Telles sont les questions qui ne manqueront pas de se poser dans les prochaines années (II).
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Arnaud Magerand et Hélène Chanteloup, « La responsabilité des dirigeants à l’épreuve du risque climatique (partie 1) » dans La Tribune de l’Assurance, n° 301 – Mai 2024.